ArcelorMittal, qui déploie de grands projets de R&D sur ses sites européens pour abaisser l’empreinte carbone de son acier, a annoncé le 13 octobre la vente de ses 30 000 premières tonnes d’acier "vert" d’ici la fin de l’année 2020. L’aciériste basé au Luxembourg a placé l’hydrogène au cœur de sa stratégie de neutralité carbone 2050. Deux sites français pourraient bénéficier d'importants investissements.
ArcelorMittal a donné quelques détails, le 13 octobre, sur sa stratégie technologique pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. L'aciériste mondial affirme que "cette stratégie [lui] permettra de proposer à ses clients ses premières solutions d'acier vert dès cette année (30 000 tonnes), puis d'augmenter cette offre dans les années à venir pour atteindre 120 000 tonnes en 2021 et 600 000 tonnes d'ici 2022." Une montée en puissance progressive vers son objectif d’abaisser de 30 % ses émissions de CO2 d'ici 2030, un jalon important avant la neutralité carbone promise par son président Aditya Mittal pour 2050.
Mais ces 30 000 premières tonnes d'acier bas-carbone seront certifiées grâce à un système de calcul développé par ArcelorMittal sur la base des économies en CO2 réalisées par rapport à 2018, pas encore sur l'industrialisation de procédés de production bas-carbone dans la sidérurgie. Du moins pour l'instant. A plus long terme, deux sites français pourraient bénéficier d'importants investissements pour l'installation d'unités de production d'acier bas-carbone.
L’hydrogène au cœur des procédés de production validés
La stratégie de production d'acier bas-carbone dévoilée par ArcelorMittal s’appuie principalement sur deux technologies actuellement testées par le groupe sur ses sites européens.
Des technologies qui recourent largement à l'hydrogène, affirme l'aciériste le 13 octobre. Pour l’instant, il s’agit d’hydrogène bleu, gris ou noir selon les appellations, tiré du gaz naturel voire du gaz de cokerie. Mais le groupe est conscient que pour atteindre la neutralité carbone, l’hydrogène utilisé devra être vert, c’est-à-dire produit par électrolyse à l’électricité renouvelable. L’aciériste y travaille et développe ses propres électrolyseurs.
Ce focus sur la réduction directe et l'hydrogène étonne, quand ArcelorMittal affirmait encore le 30 septembre dans un communiqué "Bien que les deux voies [CCUS et DRI à l'hydrogène, Ndlr] aient le potentiel de produire de l'acier neutre en carbone en 2050, nous croyons que la voie Smart carbon [captage et réutilisation du dioxyde de carbone, Ndlr] peut aboutir à des résultats plus rapides, et contribuer largement à la réduction des émissions de CO2 durant cette décennie, tandis que la production à l'échelle industrielle par réduction directe à l'hydrogène a de faibles chances d'être significative avant 2030, en raison des coûts élevés qu'elle engendre".
Réduction directe et aciérie électrique à Dunkerque
La première famille de technologies validée par ArcelorMittal allie pourtant DRI (pour réduction directe du fer) au gaz et EAF (four à arc électrique). Utilisée pour les ferrailles dans les aciéries électriques, cette technologie de production d'acier est testée par ArcelorMittal Europe à la suite de la réduction directe du minerai de fer dans ses hauts fourneaux.
Les équipes d’ArcelorMittal travaillent à Brême, en Allemagne, au déploiement à grande échelle de cette technologie de réduction directe qui "n’a été testée que dans de petites unités pilotes en Europe". L’hydrogène produit par les électrolyseurs est injecté dans les tuyères des hauts-fourneaux pour remplacer partiellement le charbon dans la réduction du minerai.
A ArcelorMittal Dunkerque, le groupe a développé Igar, un procédé hybride de haut-fourneau dans le lequel du gaz est injecté dans la cuve et dans les tuyères. Une technologie plasma crée ce gaz réducteur, qui sera remplacé par de l’hydrogène vert dès que celui-ci sera disponible. A Dunkerque toujours, ArcelorMittal Europe étudie la construction d’une usine de réduction directe à grande échelle combinée à une aciérie électrique, comme à Hambourg (Allemagne), où le groupe opère sa seule unité alliant réduction directe et aciérie électrique (DRI-EAF). L'unité de Dunkerque pourrait démarrer grâce à une alimentation au gaz naturel, mais serait conçue pour passer à l’hydrogène une fois l’approvisionnement sécurisé.
A Hambourg, le groupe testera d'ici là "la capacité de l’hydrogène à réduire le minerai de fer" pour "produire du DRI à l’échelle industrielle", ainsi que la production d’acier à partir de DRI sans CO2(dans une aciérie électrique).
Du gaz pour les produits plats
Dans presque tous les sites de sa division produits plats, ArcelorMittal annonce mettre en oeuvre de l’injection de gaz de diverses sources. Il recourt actuellement au gaz de cokerie, riche en hydrogène gris (foncé) mais qui permet déjà d’abaisser l’empreinte carbone par rapport au charbon. Le projet le plus avancé devrait démarrer début 2021 à Asturias, en Espagne.
Du carbone circulaire à Fos-sur-Mer
La seconde technologie validée est celle, dite Carbalyst, testée à Gand (Belgique). Une nouvelle unité de CCUS type Carbalyst est envisagée pour l’usine sidérurgique de Fos-sur-Mer par ArcelorMittal, avec son partenaire Lanzatech. Comme à Gand, le carbone capturé dans les gaz résiduels de hauts-fourneaux y serait biologiquement converti en éthanol (appelé bio-éthanol). Ce dernier pouvant être transformé en carburant renouvelable, ou comme matières première dans l’industrie chimique, en mal elle aussi de réduction de son poids carbone.
Le site de Fos-sur-Mer aurait droit aussi à sa part d'hydrogène pour accélérer la réduction de ses émissions, avec l'installation d'un grand électrolyseur pour l'injection d'hydrogène produit à partir d'électricité renouvelable.
45 milliards pour le déploiement techno, jusqu’à 200 milliards pour l’hydrogène vert
En cumulant ces deux voies technologiques, ArcelorMittal se retrouve dans la fourchette haute des coûts estimés pour atteindre sa neutralité carbone. Début juillet, le groupe avait estimé entre 15 et 45 milliards le coût du déploiement de ses solutions bas-carbone, dépendamment de la voie technologique choisie. Un mix des deux demandant un investissement global d’environ 45 milliards d’euros. C’est sans compter le coût des infrastructures de production et de transport d’hydrogène vert, dont ArcelorMittal entend bien ne pas supporter le coût seul. Celui-ci était évalué entre 165 et 200 milliards d’euros.
Source: L'USINENOUVELLE