OPCO : la formation professionnelle dans le viseur de l'État

Rédigé le 22/12/2025
par Thierry Bouvines, L'inFO militante

A la recherche d'économies tous azimuts, le gouvernement envisage de retirer la gestion des contrats d'apprentissage aux Opco, organismes paritaires, pour reprendre la main. Avec pour conséquences un énorme plan social dans les Opco et la mise à l'écart des branches. FO s'y oppose.

Suppression de 1 500 emplois; réduction des moyens de la formation et de l'apprentissage; recentralisation technocratique. Discrètement, l'État prépare une réforme des opérateurs de compétences (Opco) aux conséquences potentiellement lourdes. Alors que le Parlement travaille sur les projets de lois de finance et de financement de la Sécurité sociale, le gouvernement veut imposer 100 millions d'euros d'économies aux Opco et les soumettre à la TVA, alerte Michel Beaugas, secrétaire confédéral au secteur de l'emploi et des retraites. Lors du CSE du 27 novembre, la directrice générale nous a confirmé que ne devions réaliser des économies, . Les DS FO des autres Opco ont remonté les mêmes demandes émises.

Il existe onze Opco, dont le rôle est d'accompagner la formation professionnelle, notamment dans les PME, pour le compte des branches. Les Opco jouent un rôle central dans l'apprentissage puisque ce sont eux qui réceptionnent les dossiers, vérifient leur conformité, paient les frais pédagogiques des centres de formation de apprentis (CFA), gèrent les ruptures... Ces organismes paritaires employant 6 300 personnes ont accompagné la montée en puissance de l'apprentissage voulue par le gouvernement (près d'un million d'apprentis aujourd'hui), qui estime aujourd'hui que cela revient trop cher.

Quelle base démocratique?

C'est dans ce contexte que les Opco ont récemment été enquêtés par l'inspection générale des affaires sociales (Igas), missionnée pour rechercher des économies, explique François Dams. Dans le rapport qu'ils ont remis fin novembre, les inspecteurs reconnaissent l'efficacité des opérateurs de compétences, mais ils estiment que leurs coûts de fonctionnement sont élevés. Répondant à la demande de leur tutelle, ils préconisent donc des pistes pour réaliser des économies... Que l'administration s'empresse actuellement de mettre en œuvre. Les délégués FO en témoignent.

De son côté, le média spécialisé AEF rapporte, dans un article du 26 novembre, que les Opco se sont vu communiquer fin novembre des objectifs de réduction de frais de gestion et de mission. Par exemple un recul de 19,5 millions d'euros pour l'Opco EP (entreprises de proximité); un repli de 18,5 millions pour Akto; une baisse de 16 millions pour Opco2i (industrie); ou encore de 9 millions pour Opcommerce…

Or, sur quelle base démocratique l'administration s'appuie-t-elle pour exiger dès maintenant des économies, alors que le projet de loi de finance n'est pas voté?, s'interroge François Dams. Le projet de loi de finances évoque ait bien une baisse de 100 millions d'euros du soutien aux Opco. Mais un amendement visant à rétablir les 100 millions avait été validé en commission, considérant les Opco comme des «acteurs essentiels pour développer les compétences des travailleurs à l'heure de la mondialisation et du tout-numérique. Ce qui n'empêche pas la DGEFP (direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle) d'annoncer dès à présent aux Opco un objectif global d'économies de 100 millions d'euros d'économies dans le cadre de leur convention d'objectifs et de moyens (COM).

Transfert de gestion des contrats d'apprentissage

Les préconisations de l'Igas inquiètent également FO sur le fond. En particulier le transfert de la gestion de l'apprentissage des Opco vers l'Agence de services et de paiement (ASP), établissement public interministériel, qui proposerait un coût de traitement moins élevé. Outre que FO conteste la méthode de calcul, elle pointe les conséquences néfastes d'un tel transfert. Le modèle économique des Opco tournant autour de l'apprentissage, ce transfert se traduirait par 1 500 suppressions d'emplois. En tant que délégué syndical, cela me pose un problème, déclare François Dams.

Centralisation technocratique

Cette proposition, si elle était mise en œuvre, se traduirait en outre inévitablement par une dégradation de la qualité du service rendu. Car pour abaisser les coûts aux niveaux visés par l'Igas, le traitement des dossiers des apprentis devrait être standardisé à l'extrême, sans critères de branche, sans définition de leurs priorités, de leurs formations stratégiques ou encore des niveaux de prise en charge. Une centralisation technocratique, déplore François Dams. Avec pour conséquence, la fin du paritarisme en matière d'apprentissage, s'indigne Michel Beaugas.

Courrier au ministre du Travail

Les délégués FO des Opco ont écrit au ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, pour lui faire part de leurs critiques vis-à-vis du transfert de gestion de l'apprentissage. Ils pointent notamment la perte de proximité pour les entreprises, l'affaiblissement de la capacité d'analyse des branches professionnelles, les risques accrus de fraude et les aléas majeurs quant à la gestion des paiements. Leur courrier est pour l'instant resté sans réponse.

A cela s'ajoute qu'à compter du 1er janvier 2026, les frais généraux des Opco seront soumis à TVA. Cela rapporterait 150 millions d'euros à l'État. Cela signifie donc 150 millions en moins pour la formation professionnelle des salariés, explique François Dams. Or, le militant rappelle que la formation professionnelle continue permet aux salariés qui n'ont pas eu de formation initiale de s'en sortir. Le rapport de l'Igas reconnaît lui-même que la mise en œuvre de la TVA au 1er janvier sera extrêmement complexe.