L'article L 1233-3 du Code du travail fixe des critères objectifs permettant de définir précisément les difficultés économiques de nature à justifier un licenciement économique.
Ces difficultés économiques sont caractérisées :
1° soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel :
– Qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires;
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
- a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;
- b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés;
- c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;
- d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus;
– Des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation. La dégradation est significative lorsqu'elle présente un caractère sérieux et durable (Cass. soc., 1-2-23, n°20-19661 : pour un excédent brut d'exploitation; Cass. soc., 18-10-23, n°22-18852 : résultats d'exploitation).
2° soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
3° par des mutations technologiques;
4° par une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement (Cass. soc., 11-1-06, n°04-46201);
5° par la cessation d'activité de l'entreprise (c'est-à-dire la fermeture totale de l'entreprise ou d'une filiale d'un groupe : Cass. soc., 16-1-01, n°98-44647).
Dans une décision en date du 17 septembre 2025, la Cour de cassation a rappelé que le juge peut apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur sans nécessairement se fonder sur les indicateurs économiques relatifs à la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes, ou aux pertes d'exploitation. Il peut, en effet, retenir d'autres éléments de nature à caractériser ces difficultés.
La Cour d'appel avait relevé que les difficultés économiques à l'origine de la rupture, en janvier 2021, du contrat de travail du salarié étaient avérées, après avoir relevé une baisse du chiffre d'affaires du second semestre 2020 de plus de 10% par rapport au second semestre 2019 ainsi qu'un recul du résultat d'exploitation de l'année 2020 de près de 30% par rapport à celui de 2019, malgré une diminution de l'effectif de la société et le renoncement de loyers de juillet à décembre 2020 par les bailleurs de l'employeur.
La Cour de cassation note que dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a bien vérifié que les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement présentaient bien un caractère réel, sérieux et durable et non simplement conjoncturel, de sorte que sa décision ne pouvait pas être remise en cause par les juges de cassation (Cass. soc., 17-9-25, n°24-12213).
Le caractère réel et sérieux des difficultés économiques s'apprécie à la date du licenciement (Cass. soc., 1-6-22, n°20-19957 : Il en résulte que la durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, telle que définie par l'article L. 1233-3, 1°, a) à d), du code du travail, s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période
). Ce licenciement peut avoir une cause réelle et sérieuse même si un indicateur a évolué de manière positive récemment.
Si la réalité de l'indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n'est pas établie, il appartient au juge, au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (Cass. soc., 21-9-22, n°20-18511). Ainsi, un licenciement économique a été jugé valide lorsque les difficultés économiques sont caractérisées par une dégradation sérieuse et durable de l'excédent brut d'exploitation, même si le chiffre d'affaires a augmenté sur cette période (voir arrêt du 1er février 2023 ci-dessus mentionné).
Le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs économiques invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (art. L 1235-1 du code du travail).
S'agissant de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du groupe, le législateur n'a pas prévu d'indicateurs. Pour pouvoir invoquer ce motif, l'employeur doit caractériser une menace grave et réelle sur la compétitivité touchant directement l'entreprise (Cass. soc., 21-11-06, n°05-40656 : évolution du marché au regard des attentes des clients, des coûts de production et la stratégie des concurrents…). Le juge vérifiera qu'il existe un besoin impérieux de réorganiser, le seul souci d'améliorer la rentabilité n'étant pas suffisant.
Si le juge doit vérifier que la réorganisation à laquelle l'employeur procède est bien en rapport avec la sauvegarde de sa compétitivité, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier que l'employeur a choisi la réorganisation la plus efficace économiquement ou la plus favorable à l'emploi des salariés et donc que la modification du contrat de travail proposée est indispensable ou strictement nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité (CE, 15-11-22, n°449317).
Pour rappel, les difficultés économiques s'apprécient au niveau de l'entreprise et non de l'établissement. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques sont appréciées au niveau du secteur d'activité commun avec les entreprises du groupe situées en France, sauf en cas de fraude (art. L 1233-3).
En d'autres termes, en cas de fraude, les entreprises situées hors de France peuvent être prises en compte. La fraude pourrait résulter de la création artificielle de difficultés économiques à l'intérieur d'un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d'emploi. La preuve de la fraude ou d'une faute de l'employeur pèse sur le salarié.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Attention, des difficultés au niveau du groupe peuvent justifier des licenciements dans une entreprise qui enregistre de bons résultats.
Le groupe se définit comme le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L 233-16 du code de commerce (art. L 1233-3 du code du travail).
En d'autres termes, il faut se référer au groupe tel qu'appréhendé par le législateur à l'article L 2331-1 du code du travail relatif au comité de groupe.
C'est à l'employeur d'apporter les éléments permettant de délimiter le secteur d'activité du groupe au sein duquel sera appréciée la raison économique (Cass. soc., 4-3-09, n°07-42381).