Face à des retards importants des versements des salaires, les salariés de l'association d'aide à domicile SADS, du réseau Auxi'life dans l'Eure-et-Loir (28) et dans le Loiret (45), se mobilisent. Après deux rassemblements en octobre, elles semblent enfin avoir été entendues.
En Eure-et-Loir, les 300 salariés du réseau SADS-Auxi'life, association nationale de services d'aide à domicile, ne demandent qu'une seule chose : l'application de la loi. Nous exigeons d'être payés à date fixe et régulièrement
, revendique Priscilia Monnier, déléguée syndicale FO au sein de la structure. Voilà plus d'un an que l'employeur verse les salaires avec du retard. Au début, c'était seulement deux ou trois jours, puis la situation s'est aggravée,. On a reçu les salaires d'août le 12 septembre et ceux de septembre le 14 octobre!
Pour les salariés, les conséquences sont dramatiques. Lorsque le salaire tombe, il ne sert plus qu'à absorber les dettes contractées en l'absence de virement
, relate Priscilia Monnier. Illustration. Il y a cette salariée qui a dû contracter un prêt à la consommation uniquement pour ne pas finir interdite bancaire. Une autre qui a peur de se voir couper l'électricité et le gaz à cause des retards accumulés pour les factures, et ce alors que l'hiver commence. D'autres qui ont dû retirer leurs enfants de la cantine car ne pouvant régler la facture, ou encore qui se retrouvent à devoir choisir entre manger ou nourrir les enfants… Nous avons peur pour le mois de novembre, qui compte un jour férié, mais surtout pour celui de décembre où il y a Noël. Comment expliquer aux enfants que l'on travaille mais que l'on n'a pas d'argent et que l'on ne pourra donc pas faire la fête cette année?
La militante en vient à craindre le pire pour les salariés qui sont poussés à la précarité.
Les clients de l'association impactés par le dysfonctionnement salarial
Pour les bénéficiaires du service d'aide, plus de 1 000 sur le département, cette situation dégradée infligée au personnel de l'association (en Eure-et-Loir mais aussi dans le Loiret) a aussi des conséquences, soit moins de visites. En effet, faute d'argent pour payer l'essence ou les transports en commun, il devient impossible à certains salariés de se rendre au domicile des usagers. D'autres ont déjà décidé de partir travailler dans d'autres structures, même pas pour de meilleures conditions de travail mais seulement pour pouvoir être payés en temps et en heure
, précise la militante. Ces départs compliquent aussi le fonctionnement du service d'aide. Car explique la déléguée FO, dans un secteur déjà en crise d'attractivité du fait de ses conditions de travail pas toujours faciles et de ses rémunérations faibles, recruter pour remplacer rapidement un départ s'avère complexe. Du côté des familles, en quelque sorte appelées à la rescousse et invitées à se substituer au service, la situation est compliquée aussi. Les proches ont des liens avec les salariés et comprennent donc la situation. Mais ils sont en colère contre l'association puisque le contrat initial n'est pas respecté
, souligne Priscilia Monnier. Si le problème de salaire perdure au sein de l'association et que parallèlement les familles ne puissent plus aider leurs proches, les personnes âgées risquent d'être hospitalisées parce qu'il n'y aura plus personne pour les aider, notamment pour réaliser les toilettes
, indique la militante.
Des mobilisations à l'initiative de FO
Aux côtés des salariés, FO, seule organisation syndicale représentée au sein de l'association, s'est mobilisée. Le 15 octobre, un rassemblement s'est tenu devant la Préfecture d'Eure-et-Loir. Plus de 80 salariés, issus de tout le département, ont fait le déplacement malgré les coûts que cela représente pour eux. Face à cette situation intenable, nous demandons l'aide de l'État, explique Priscilla Monnier. D'ailleurs, et c'est la cerise sur le gâteau, en tant que salariés nous n'avons pas accès à la prévoyance et à la médecine du travail depuis plus d'un an, alors que nous cotisons pour cela.
Si une délégation a été reçue à la préfecture, aucune réponse n'a été apportée.
Les salariés, en grande majorité des femmes, se sont donc à nouveau mobilisés le 21 octobre devant le conseil départemental, principal financeur de l'association Auxi'life. Le département explique que ce retard de paiement des salaires est dû à un manque de trésorerie. L'association est dépendante des financements du conseil départemental, et celui-ci s'appuie sur les factures dressées par les bénéficiaires. Il y a donc un temps de gestion de l'administratif et, sans trésorerie, le versement des salaires se retrouve retardé.
À la suite de ce rassemblement et après un rendez-vous avec une délégation des salariés de l'association, la direction générale des services du conseil départemental a promis de rencontrer l'employeur dans les prochains jours afin que celui-ci s'engage sur un calendrier de paiement des salaires et dans le respect de dates fixes. C'est une première avancée, se réjouit la militante. Il fallait que l'on se fasse entendre, que l'on devienne visibles et que l'on porte la situation aux yeux de tous.
Hier en première ligne dans le contexte de la crise Covid, les aides à domicile se retrouvent à nouveau invisibilisées et précarisées. Sauf lorsque l'on parvient à se mobiliser
souligne Priscilia Monner.