En cette fin d'année 2025, sur fond de débats budgétaires compliqués et à l'issue toujours incertaine, les travailleurs et assurés sociaux sont inquiets des mesures d'austérité qui pourraient être mises en œuvre l'an prochain. Ils sont inquiets aussi d'une situation de l'emploi difficile, cela dans un contexte économique et de marché du travail atones et tandis que les annonces de PSE ne faiblissent pas. Cette situation douloureuse touche particulièrement les jeunes, ce que traduisent les statistiques. Alors qu'une conférence Travail-Emploi-Retraites, lancée par le gouvernement, s'est ouverte début décembre, FO y a porté, là comme ailleurs, ses revendications, notamment celle d'une réindustrialisation et avec des mesures concrètes. C'est une urgence nationale
, et à plus d'un titre, a rappelé la confédération, soulignant que cette réindustrialisation ne concerne pas seulement les usines : elle conditionne l'équilibre de tout le pays, y compris la survie de nombreux services publics
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La saison du feuilleton budgétaire se poursuit avec ses épisodes à rebondissements, tant concernant le projet de loi de finances (PLF) que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ce dernier texte (portant la mesure de suspension/décalage de la réforme des retraites) avait été adopté, à treize voix près, à l'Assemblée le 9 décembre, puis transmis au Sénat qui l'a rejeté d'emblée le 12. De retour devant les députés le 16 décembre, le texte a été adopté lors d'un ultime vote. À quinze voix près. Bien que très amendé, le texte porte encore des mesures sévères, telle la limitation de la durée initiale des arrêts maladie (à un mois), la taxation supplémentaire des complémentaires santé ou encore un Ondam (évolution des dépenses de l'Assurance maladie) réhaussé à 3% mais toujours inférieur aux besoins. Le PLF, lui, est loin d'avoir achevé son parcours, chaotique et à l'issue incertaine. Après un rejet des députés en première lecture, le texte avait été transmis au Sénat qui l'a adopté le 15 décembre, avec des modifications. Ce qui aboutit à un examen en commission mixte paritaire (CMP, formée de sept députés et de sept sénateurs), chargée de tenter de trouver un texte commun aux deux chambres. Cette CMP se tient le 19 décembre, voire aussi le 20. En cas d'accord, le texte devra encore être soumis au Sénat et à l'Assemblée, où le gouvernement pourrait opter soit pour un vote des députés (au risque d'un rejet du texte), soit pour une adoption via l'article 49.3 (le gouvernement s'était engagé à ne pas l'utiliser), donc sans vote, mais au risque d'une censure. Sans texte commun sortant de la CMP, le gouvernement s'orienterait vers une loi spéciale (soit la reconduction momentanée en 2026 des crédits de 2025, en attendant l'adoption d'un PLF). L'examen du projet d'une telle loi devrait avoir lieu le 22 décembre. En cas de rejet du texte issu de la CMP par l'une des assemblées, cet examen se tiendrait le 23 décembre.
Des mesures austères toujours vivaces
Ce 18 décembre (date de bouclage de notre édition), l'issue du PLF 2026 (loi devant être promulguée d'ici le 31 décembre) était donc incertaine. Présenté en octobre, le projet budgétaire global du gouvernement s'était largement inspiré de l'austère plan Bayrou, avec l'objectif de ramener le déficit public à 4,7% du PIB (contre 5,4% en 2025), avec un effort
autour de 30 milliards d'euros sur les finances publiques, principalement par une baisse des dépenses (17 milliards d'euros). Depuis, l'objectif de déficit a été revu, à 5%. Le 15 décembre, le gouvernement a sonné l'alerte : les mesures décidées jusque-là par le Parlement conduiraient à un déficit de 5,3% du PIB. Cela ne signifie pas que toutes les mesures de baisse des dépenses ont été abandonnées. Quant aux recettes, l'apport supplémentaire prévu initialement était déjà limité. Il le demeure. Il a même, pour l'instant, été réduit par le Sénat. Reste donc à connaître le sort final des mesures austères envisagées, entre autres le gel des dépenses de la sphère publique, les suppressions d'emplois publics et le gel des salaires indiciaires des agents; le gel du barème de l'impôt sur le revenu, la suppression de l'abattement fiscal de 10% pour les retraités… Reste aussi à connaître le sort de mesures limitées, telle celle s'adressant aux ménages aux très hauts revenus (au-delà de 250 000 euros pour une personne), soit une surtaxation des revenus (à 20%) prévue encore l'an prochain. Reste à savoir aussi ce que deviendront des mesures, tout aussi limitées, visant les entreprises. Ainsi, par exemple, la baisse de l'impôt de production CVAE et son extinction avancée à 2028, ou encore la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, prolongée d'un an mais dont le rendement initial envisagé par le gouvernement a été réduit de moitié, à quatre milliards d'euros, puis a été remonté à six par l'Assemblée avant que le Sénat supprime tout simplement la mesure.
Valérie Forgeront