Alors que le budget de la culture est annoncé en baisse de 5% (235 millions de moins qu'en 2025), la fragilité des musées en matière de sûreté éclate au grand jour. Elle découle d'un déficit d'investissement technique mais aussi d'une destruction progressive du statut des surveillants.
Le cambriolage du Louvre, le 19 octobre, a mis en évidence les failles dans la sûreté des 1 200 musées français et la protection du patrimoine national. Car, malheureusement, l'évènement est loin d'être isolé. Le 14 octobre, des montres de collection et des bijoux étaient subtilisés au musée Jacques Chirac (Sarran, Corrèze). Le 7 octobre, le musée du Désert (à Mialet dans le Gard) voyait, lui, disparaître une centaine de croix Huguenotes en or. Et le lendemain de l'équipée du Louvre, des pièces d'or et d'argent étaient volées à la Maison des lumières Denis Diderot à Langres. Tout ceci, en seulement un mois. Sur l'année, plus d'une vingtaine de cambriolages ont déjà été enregistrés.
Le sous-investissement dans la sûreté des établissements est pointé de tous côtés. Un rapport de la Cour des comptes (publié le 5 novembre) déplore que malgré de fortes ressources d'autofinancement au Louvre (billetterie et mécénat notamment), une trop faible part soit consacrée à la sécurisation des œuvres et des lieux. Résultat : seules 39% des salles sont équipées d'au moins une caméra de surveillance, leur développement ayant été concentré sur les salles d'expositions temporaires. Et l'audition de la direction du musée au Sénat n'a pas permis d'apprendre combien étaient en état de fonctionnement. Quant au système informatique, une enquête de Libération a révélé des failles majeures y compris dans le réseau sûreté qui raccorde le contrôle des accès, les alarmes, la vidéo-surveillance.
La sûreté : un investissement peu valorisé
Les syndicats signalent eux que la sûreté n'est pas un investissement qui intéresse les mécènes ou qui permet de valoriser l'image d'un site. De plus même si nous avons désormais des spécialistes de la sûreté dans les grands établissements, ils ne sont pas décisionnaires quant aux montants investis dans leur secteur
, souligne Pierre Monteil, secrétaire de la section SNAC -FO au Château de Versailles. Quant aux petits musées, où parfois le personnel en caisse fait également la visite guidée, l'ouverture, la fermeture, on imagine bien qu'il n'y a pas de budget sûreté. Et ne parlons pas des bibliothèques où des ouvrages anciens peuvent disparaître feuille par feuille
, poursuit-il.
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir alerté, côté syndicats comme directions de musées. Le 17 juin dernier, les personnels d'accueil et de surveillance du Louvre étaient en grève pour dénoncer – entre autres – leur sous-effectif chronique. En 15 ans, l'établissement public aurait perdu 200 postes. Principalement des agents de surveillance
, précise Dominique Williatte, secrétaire général du SNAC FO. Cela a pour conséquence des fermetures de salles ou des salles moins surveillées.
Un personnel insuffisant et pas toujours qualifié
Au-delà de l'effectif, c'est aussi le statut des surveillants qui peut poser problème. Ainsi au Château de Versailles, il y a parfois davantage de vacataires que de fonctionnaires
, explique Pierre Monteil. Des agents recrutés pour travailler un, deux ou trois mois, s'investiront-ils avec le même attachement dans la protection d'un site et de ses œuvres, que s'ils faisaient carrière dans le domaine? Ils sont recrutés par entretien en visio, bénéficient d'un temps d'accueil d'une heure et commencent à travailler sans aucune formation. Certains sont embauchés pour un mois alors qu'il faut 15 à 20 jours d'activité pour commencer à bien faire son travail. Parfois certains ne savent même pas situer géographiquement l'endroit du château où ils travaillent précisément.
Comment alors alerter les forces de l'ordre en cas de problème? La destruction du statut nous la constatons à Versailles mais aussi au Louvre (même si la surveillance des salles y est assurée par des fonctionnaires), à Orsay, à Sèvres, où l'on ne compte qu'une quinzaine d'agent dont 9 statutaires. Au Grand Palais où je travaille et qui a rouvert l'année dernière, les travaux ont surtout concerné la restauration du site, . Un peu la sûreté/sécurité mais ce n'est pas encore ça. Et la surveillance est presque intégralement sous-traitée.
Autre point et non des moindres, en cas de cambriolage, la priorité est de mettre en sécurité les personnels et le public. Ce qui est très bien, mais du coup la question de qui peut arrêter les voleurs n'est pas pensée, et c'est un problème qui ne date pas d'hier
souligne Pierre Monteil. Comme dans de nombreux services publics, l'urgence est désormais criante dans la culture.