Immense rendez-vous populaire, au point d'être surnommé L'Alpe d'Huez breton
, la difficile ascension de Mûr-de-Bretagne – la côte de Menez Hiez, deux kilomètres à 7%, mais des pentes jusqu'à 10% – a été un mythe de l'épreuve avant d'en devenir un rendez-vous récurrent, au programme de la septième étape de cette édition 2025. Récit d'une histoire contrariée, mais aujourd'hui heureuse.
La naissance d'une légende
Terre de cyclisme par excellence, la Bretagne connaît son Mûr par cœur et l'arpente volontiers, depuis le début du XXe siècle, sur bon nombre de courses locales : Manche-Océan, Manche-Atlantique, l'Essor breton, le Tour de Bretagne, Kreiz Breizh… En 1938, la côte de Menez Hiez est pour la première fois proposée au parcours du Tour de France. Mais le vent de face qui souffle ce jour-là dissuade les coureurs de toute velléité. Pas de quoi refroidir les organisateurs, qui reproposent la difficulté dès la première édition d'après-guerre. Un Tour 1947 dingue et, à trois jours de l'arrivée à Paris, le plus long contre-la-montre de toute l'histoire de l'épreuve : 139 (!) kilomètres entre Van-nes et Saint-Brieuc, et cette côte au beau milieu.
Maillot jaune presque sans discontinuer depuis le départ, le Français René Vietto, à la limite depuis quelques jours, a déjà concédé du retard au pied de l'ascension. Sur les pentes de Menez Hiez, il donne tout, mais ne s'en remettra jamais : à l'arrivée, il perd près d'un quart d'heure et son maillot jaune, au profit de l'Italien Pierre Brambilla. Pauvre petit René, écrit le lendemain dans L'Équipe celui qui est alors à la fois le directeur du Tour et du quotidien sportif, Jacques Goddet, nous participons à votre peine et nous savons qu'elle est immense parce que votre cœur bat au rythme du Tour, parce que vos rêves d'homme viennent de s'effilocher au cours des kilomètres dans le serpentin breton.
Un serpentin que connaît bien l'homme du coin, Jean Robic : deuxième du chrono, il chipera le maillot jaune le dernier jour, à Paris, contribuant à forger un peu plus la légende d'un Mûr-de-Bretagne prompt à renverser le Tour de France.
De la traversée du désert…
Ainsi établie, et fièrement contée par les Bretons, cette légende aura d'autant plus la vie longue qu'elle ne sera pas testée avant longtemps. Il faut en effet attendre 1977 pour que le Tour de France repasse à nouveau par Mûr. L'étape est anodine et la suite mettra encore du temps à venir. En 1993, 2004, 2006 et 2008, la Grande Boucle retente encore le coup. Mais rien n'y fait : le cyclisme a changé, et proposer une telle difficulté en milieu d'étape n'a plus le même effet qu'au temps des forçats de la route
. D'ailleurs, à chaque fois, c'est au sprint que se terminent les étapes passées un peu plus tôt par la côte de Menez Hiez… Un amer constat qui va amener les organisateurs du Tour à changer de stratégie.
…à la récente renaissance
Octobre 2010, curiosité. En présentant le parcours de l'édition 2011 au Palais des Congrès, le directeur de l'épreuve, Christian Prudhomme, annonce l'arrivée de la quatrième étape à… Mûr-de-Bretagne. Une grande première pour la commune des Côtes-d'Armor, qui va tout changer sur le plan sportif. Car le 5 juillet 2011, l'étape se termine par une explication mémorable entre les favoris du Tour, éclipsant les habituels protagonistes de la première semaine. Double vainqueur de l'épreuve, Alberto Contador lance les hostilités au plus fort de la pente et se dégage avec Cadel Evans, qui finira par le devancer d'un rien sur la ligne d'arrivée. Un succès fondateur pour l'Australien, qui remportera ce Tour 2011 trois semaines plus tard; une journée déterminante pour Mûr-de-Bretagne, qui va devenir un classique du XXIe siècle.
En 2015 (Alexis Vuillermoz), 2018 (Dan Martin) et 2021 (Mathieu Van der Poel), ce sont les puncheurs qui ont depuis levé les bras au sommet de la côte de Menez Hiez. Mais à chaque fois, les arrivées tracées à Mûr ont forcé les favoris à se dévoiler, à faire la course
, prémices de leurs futures bagarres dans les Alpes et les Pyrénées. Un schéma qui va forcément se reproduire cet été, sur la septième étape. Pour sûr que le public breton aura coché la date.