Duralex avait bon espoir de lever cinq millions d'euros auprès du grand public. C'est chose plus que faite. L'entreprise octogénaire, désormais détenue par ses salariés, veut ainsi développer son activité après plusieurs rachats par des investisseurs prédateurs.
Quelque 19 millions d'euros de promesses d'investissement! La levée de fonds lancée par Duralex, le 3 novembre, auprès du grand public, a largement dépassé ses objectifs. L'entreprise française octogénaire installée à La Chapelle-Saint-Mesmin près d'Orléans, spécialisée dans le verre trempé, suscite l' «engouement», se réjouit Gualter Teixeira, secrétaire du syndicat FO (34% aux dernières élections professionnelles) et élu au comité social et économique de Duralex. Il faut dire que Duralex est une institution. On retrouve ses produits dans la plupart des cantines scolaires françaises. Gualter Teixeira signale que sur les 21 300 investisseurs qui se sont déclarés intéressés, 80% sont français. L'initiative est soutenue par la confédération FO.
Objectif atteint en six heures
Ouverte sur la plateforme Lita, la levée de fonds est calibrée pour un montant minimum de 3 millions d'euros et pour un maximum de 5 millions d'euros. Si les 3 millions ne sont pas atteints, les investisseurs sont remboursés; la levée de fonds est arrêtée à 5 millions d'euros. Les 5 millions d'euros ont été atteints en six heures, nous n'aurions jamais cru cela
, s'étonne encore le militant FO. Inutile de se rendre sur la plateforme, l'objectif des 5 millions d'euros de promesses d'investissement étant largement dépassé, il n'est pour le moment plus possible de réserver votre investissement
, indique Lita. Il s'agit en effet d'une réservation. La levée de fonds à proprement parler sera réalisée entre le 15 novembre et le 15 décembre 2025. Nous avons bon espoir d'atteindre les 5 millions d'euros
, déclare Gualter Teixeira.
Le grand public à défaut des banques
Cet argent n'est pas gratuit. En contrepartie, Duralex devra rétribuer ses investisseurs à un taux de 8% par an pendant la durée de l'investissement (sept ans), dont le capital n'est pas garanti. L'entreprise devra donc leur verser 400 000 euros dès la fin de 2026. C'est beaucoup plus que ce que demandent les banques. Nous avons démarché les banques, qui n'ont pas voulu nous prêter car nous n'avions pas terminé un premier exercice complet, qui est de 15 mois dans notre cas
, explique le secrétaire du syndicat FO. Salarié à la maintenance, il siège au conseil d'administration de Duralex. Il a en effet investi dans l'entreprise qui, devenue une société coopérative et participative (scop) en août 2024, est maintenant la propriété des salariés et contrôlée par eux. Une fois le premier exercice terminé, nous pourrons nous adresser aux banques
, explique-t-il.
Investissement productif
Les fonds récoltés auprès du public serviront à Duralex à accélérer sa croissance, moderniser son outil industriel et rayonner à l'international
, explique la scop sur le site de Lita. Notamment à acheter une machine à vrac et de la couleur pour fabriquer des verres colorés. Gualter Teixeira explique que la machine à vrac sera commandée en 2026 et opérationnelle l'année suivante. Grâce à cet investissement dans l'outil de production, aux embauches déjà effectuées dans les services commercial et marketing, et à plusieurs partenariats, la scop espère développer son marché et parvenir à l'équilibre financier. François Marciano, son directeur général, expliquait récemment dans la presse que pour sauver Duralex, il faut passer la barre des 35 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui permettent d'être à l'équilibre. Aujourd'hui, on va finir à 30 millions en fin d'année
. La situation est toujours compliquée, . Les salaires sont payés en temps et en heure, car c'est la priorité de la direction, mais nous faisons de la dette clients
. Il signale en outre que la métropole d'Orléans, qui a aidé l'entreprise en rachetant ses murs pour 5,6 millions d'euros, leur doit encore 2,3 millions d'euros
. Reste qu'en fabriquant en France, nous sommes les plus chers
, admet-il.
Effectifs en progression
Duralex revient de loin. En 26 ans passés dans l'entreprise, j'ai connu cinq redressements judiciaires et des rachats par des requins qui n'investissaient pas et s'enrichissaient sur le dos des salariés
, témoigne Gualter Teixeira. Échaudés par ces expériences, les salariés et la direction ont proposé, à la barre du tribunal de commerce, de reprendre l'entreprise en scop. Leur projet, soutenu par la Région, qui a accordé un prêt d'un million d'euros, par la métropole d'Orléans et par l'État, qui a également accordé un prêt, a été retenu par le tribunal en août 2024. Les autres repreneurs voulaient réduire les effectifs
, explique le militant FO. Les 228 salariés sont donc restés et 138 d'entre eux, plus de la moitié, ont même pris des parts, devenant ainsi copropriétaires de l'entreprise, à l'instar de Gualter Teixeira. Ce dernier ne compte pas ses heures. Je travaille à la maintenance, mais j'interviens ailleurs si nécessaire, car j'ai investi dans la scop
, témoigne-t-il.
Après plusieurs embauches aux services commercial, marketing et administration des ventes, Duralex compte aujourd'hui 243 salariés. Nous avons des difficultés à recruter des opérateurs en 5 X 8
, explique-t-il. Rassurée par le succès de son premier appel de fonds, la scop envisage d'ouvrir une nouvelle cagnotte sans rétribution à 8%
, signale le militant FO.