Selon l'article L 2312-59 du code du travail, un membre du CSE peut exercer son droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles :
Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.
Au-delà des cas visés expressément par l'article L 2312-59, le droit d'alerte peut également être exercé en cas d'atteinte aux droits au respect de la vie privée, au droit de grève, à la liberté d'expression et d'opinion ou en cas de manquements aux règles régissant la vidéosurveillance ou la géolocalisation. Concernant une atteinte au principe d'égalité de traitement, la question est en débat…Pour justifier une telle action, la différence de traitement constatée par le membre du CSE devrait en outre reposer sur un des critères discriminatoires visés à l'article L 1132-1 (Cass. soc., 9-9-20, n°18-25128).
Par exemple, l'exercice du droit d'alerte peut être justifié lorsque l'employeur a demandé à son administrateur réseau de contrôler les ordinateurs de certains salariés (Cass. soc., 17-6-09, n°08-40274). Dans cette affaire, les membres du CSE, craignant une atteinte injustifiée aux libertés individuelles, ont obtenu une enquête sur les conditions dans lesquelles les courriels personnels avaient pu être consultés et exploités.
Le droit d'alerte visant à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, il ne peut être utilisé à l'égard d'un grief salarial (Cass. soc., 3-2-98, n°96-42062 : les membres du CSE ne peuvent faire usage de leur droit d'alerte pour réclamer le paiement d'arriérés de salaire ou d'heures supplémentaires).
Ce droit d'alerte ne peut être utilisé pour agir en nullité des licenciements éventuellement prononcés à la suite d'une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles (Cass. soc., 3-11-10, n°09-42360 : le délégué du personnel (dorénavant un membre du CSE) ne tient pas des dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail le pouvoir d'agir en nullité d'un licenciement prononcé par l'employeur mais seulement de saisir le juge de demandes aux fins de mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits de la personne ou aux libertés individuelles
). Autrement dit, le droit d'alerte ne peut pas être utilisé dans le but d'obtenir l'annulation d'une sanction disciplinaire, pour laquelle le salarié dispose d'une voie de recours spécifique devant le CPH.
Ce droit d'alerte peut être exercé même si un seul salarié, voire le représentant du personnel lui-même, est victime d'une atteinte à ses droits et libertés individuelles. Il n'est pas nécessaire d'inscrire le déclenchement du droit d'alerte à l'ordre du jour d'une réunion du CSE, chaque élu disposant d'un pouvoir individuel pour l'exercer.
Si une atteinte aux droits des personnes est établie, le CPH peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte aux libertés, comme ordonner une mesure d'enquête, assortir sa décision d'une astreinte et condamner l'employeur au paiement de dommages et intérêts (Cass. soc., 3-3-21, n°19-20177).
Dans une décision en date du 3 décembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l'occasion d'apporter des précisions importantes concernant l'exercice de ce droit d'alerte (Cass. soc., 3-12-25, n°24-10326) :
– Lorsque le CSE exerce son droit d'alerte au titre de l'article L 2312-59, le syndicat peut se joindre à l'action engagée par le CSE devant le CPH, l'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles des salariés dans l'entreprise portant un préjudice à l'intérêt collectif de la profession;
– Une demande du CSE relative à l'accès et au contenu de le BDESE ne peut être fondée sur le droit d'alerte prévu par l'article L 2312-59. Si le comité ou un membre du CSE estime ne pas disposer d'éléments suffisants, celui-ci doit saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants (article L 2312-15);
– La saisine de l'employeur par un membre du CSE exerçant le droit d'alerte prévu par l'article L 2312-59 n'étant soumise à aucun formalisme, l'écrit par lequel ce membre du CSE a saisi l'employeur lorsqu'il a constaté une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ne fixe pas les limites du litige. Ainsi, le membre du CSE peut se prévaloir devant le juge de la situation d'autres salariés, concernés par le harcèlement moral allégué dans l'écrit par lequel il a exercé son droit d'alerte, que celle des salariés mentionnés dans cet écrit;
– L'exercice du droit d'alerte par un membre du CSE n'est pas subordonné à l'absence d'action du salarié concerné par l'alerte devant la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits. Dans une précédente décision, la Cour de cassation avait jugé que ni le principe de l'autorité de la chose jugée, ni celui de l'unicité de l'instance ne font obstacle à ce que, suite à un jugement rendu par la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, dont l'objet est de faire ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, le salarié intéressé engage ultérieurement une action au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail
(Cass. soc., 8-9-21, n°20-14.011). S'agissant de l'articulation de l'action du membre du CSE au titre de son droit d'alerte avec l'action du salarié pour faire valoir ses droits, la Cour de cassation considère donc que l'action de l'un n'empêche pas celle de l'autre.


