Alors que la réforme doit entrer en vigueur pour la rentrée 2026, FO craint une baisse de la qualité de la formation initiale des futurs travailleurs sociaux. D'autant que l'architecture «en blocs», prévue dans la réforme, remet en question les diplômes spécifiques. Elle est le cheval de Troie de la standardisation et de l'uniformisation des pratiques
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Cette histoire de réforme de diplôme ne date pas d'hier. Il y a une volonté ancienne de déstructuration de la formation, et avec elle de nos métiers
, souligne Michel Poulet de la Fnas-FO. Le 14 octobre dernier était publié le décret portant sur les nouveaux référentiels des diplômes d'État d'éducateur spécialisé (ES), d'assistance sociale et sanitaire (ASS), d'éducateurs jeunes enfants (EJE), de conseiller en économie sociale et familiale (CEF) ainsi que d'éducateur technique spécialisé (ETS).
Dès la rentrée 2026, ces diplômes seront construits en quatre blocs de compétences. Trois de ces blocs seront communs à l'ensemble des diplômes. L'architecture en bloc est le cheval de Troie de la standardisation et de l'uniformisation des pratiques
, dénoncent les élus de FO siégeant à la commission consultative professionnelle.
La première pierre vers un diplôme commun
Cette nouvelle architecture résonne avec le projet de convention collective unique souhaité par l'État et les employeurs, souligne Michel Poulet. Avec l'approche par compétence, on va vers une logique de rémunération au mérite et une classification selon les critères. Actuellement les salariés sont rémunérés selon le diplôme et l'ancienneté. Si ces deux réformes passent, ils seront rémunérés sur la base de leurs compétences, et seulement celles qui sont directement utiles à l'employeur.
Si les négociations sur le projet de convention unique semblent au point mort, l'architecture des diplômes en blocs de compétences semble un pas en avant. C'est la première pierre vers un diplôme commun pour l'ensemble des travailleurs sociaux, ce à quoi FO s'oppose fermement
, précise le militant. Cette idée avait notamment été suggérée en janvier 2025 par la Cour des comptes. Dans un rapport consacré aux travailleurs sociaux, l'instance recommandait de créer un diplôme unique du travail social pour les diplômes d'État d'ASS, d'éducateur spécialisé et de CESF
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Moins d'heures de cours et de stage
Cette réforme, lourde de conséquences pour l'ensemble de la profession, implique la perte du caractère d'unicité et la reconnaissance nationale de ces diplômes. Désormais, il reviendra au centre de formation de déterminer les modalités d'évaluation et d'organiser l'ensemble de la certification. Ce qui s'inscrit dans une approche libérale qui n'est pas sans rappeler celle introduite par la mal nommée loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Et cela crée une fracture entre les établissements de formation
, contextualise Michel Poulet.
D'autant que les nouveaux décrets laissent craindre une baisse de la qualité de la formation initiale. Avec l'uniformisation des diplômes, les contenus spécifiques vont être diminués, passant de 1 000 heures à 670 heures, soit 300 heures d'enseignement qui disparaissent. Dès 2029, date de la diplomation des premières promotions de ces nouveaux cursus, l'épreuve finale sera un dossier d'analyse de parcours de formation (entre 25 et 35 pages) à la place du mémoire professionnel (40 à 45 pages) actuel. Ce glissement n'est pas anodin, il marque la fin d'une épreuve exigeante, conçue pour former des professionnels capables d'analyse, de réflexion et de hauteur sur leur pratique. À la place, la DGCS assume une logique de réponse
, déplore la Fnas-FO.au marché de l'emploi
, privilégiant la rapidité de mise à disposition de personnels plutôt que la qualité de la formation
Pour FO, il faut des moyens et non une réforme
FO exige le retrait de cette réforme qui est «passée en force», relate Michel Poulet. Lors de la commission consultative professionnelle, la quasi-unanimité des organisations syndicales avait rendu un avis défavorable à cette réforme. Mais une fois encore, cela n'a pas été pris en compte et le passage s'est fait en force. Une fois encore, on nous refuse le droit de maîtriser nos outils professionnels...
La fédération continue d'exiger le maintien des spécificités de l'ensemble des diplômes d'État de niveau 6, mais aussi des moyens à la hauteur des besoins. C'est aussi, encore et toujours, par l'argent que le bât blesse, constate le militant. Sans un effort pour la formation des étudiants et la rémunération des salariés, on ne sortira pas de la crise d'attractivité que subit notre secteur.


