Déjà dans le numéro du 26 juillet 1945, le journal Résistance Ouvrière (ancêtre de L'inFO militante) mettait en garde ses lecteurs contre les attaques visant le rapport Buisson, en provenance des caisses patronales de compensation et des associations familiales chrétiennes.
Finalement, les ordonnances d'octobre 1945 reconnaissent le droit des salariés à gérer leurs propres cotisations. Cela va changer du jour au lendemain la vie de millions de travailleurs avec enfin la couverture du risque maladie, du risque vieillesse et des allocations familiales. Pour la première fois, le suivi de la femme enceinte et du nourrisson sera couvert par des prestations médicales, ce qui va pratiquement éradiquer la mortalité infantile en France. Une Sécu qui, dès ses débuts, doit se protéger des attaques venues de toutes parts.
L'hostilité est grande de certains, qui vont tenter de vider de leur contenu ces ordonnances. Ainsi, Ambroise Croizat, ministre communiste du Travail, qui fait passer des deux tiers à la moitié la proportion des représentants salariés dans les conseils d'administration des CAF. En 1967, nouvelle attaque avec la suppression de l'élection des administrateurs de la Sécu, la divisant en plusieurs «branches», mettant fin à son unicité. À partir des années 1990, l'étatisation de la Sécurité sociale commence avec la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996.
Les recettes de la Sécu représentent, en 2024, 644 milliards d'euros, soit 23% du PIB. Celles de l'État 250 milliards, soit 2,5 fois moins. On comprend mieux l'appétit féroce des gouvernements successifs à vouloir s'accaparer le pactole, au profit d'un système privatisé. L'impôt remplaçant la cotisation, l'étatisation rimant avec économies (déremboursement, diminution des rembour-sements de médicaments et des consultations, moins de budget pour les hôpitaux, etc.), loin du pacte social français né du programme du Conseil national de la Résistance.