L'austérité dans la Fonction publique : FO dit Stop !

Rédigé le 10/06/2025
par Valérie Forgeront, L'inFO militante

Lançant avec le soutien de la confédération, une campagne ce 10 juin pour les salaires, FO montre sa combativité pour lutter contre une austérité qui n'a que trop duré.

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Lançant avec le soutien de la confédération, une campagne ce 10 juin pour les salaires, FO Fonction publique montre sa combativité pour lutter contre une austérité qui n'a que trop duré. Tant au plan des rémunérations que des effectifs, du respect de l'emploi statutaire ou encore des conditions de travail, les politiques qui considèrent les services publics et leurs agents comme des variables d'ajustement budgétaires n'ont fait que dévaster les services et leurs moyens ainsi que les carrières des agents. Et cela jusqu'à plomber l'attractivité qu'avait autrefois ces carrières publiques. Alors FO dit Stop. Une détermination à combattre les attaques qui s'était d'ailleurs largement exprimée lors du 24e congrès de la FGF FO à Troyes au début du printemps.

Comme elle semble loin la crise Covid de 2020-2021, période au cours de laquelle l'exécutif couvrait les agents publics de louanges, vantait leur rôle indispensable, promettait des moyens pour les missions, de meilleures conditions de travail, de salaires… Depuis, cet affichage d'améliorations à venir n'a connu aucune traduction concrète. Bien au contraire. Vilipendée pour son coût avant la crise, la fonction publique -et ses 5,7 millions d'agents répartis dans les trois versants (État, territoriale et hospitalière-) est revenue à l'état d'accusée pour son prétendu poids sur les finances publiques.

Les réformes infligées à certains services (par des fusions notamment) se sont poursuivies. Par manque d'effectifs, par exemple dans l'hospitalière, la fermeture de lits (plus de 100 000 lits d'hospitalisation fermés depuis l'an 2000), n'a jamais cessé. En sortie de pandémie, l'exécutif visant à résorber le déficit public à grand pas, a renvoyé une nouvelle fois la fonction publique à son état de variable d'ajustement budgétaire, avec entre autres traduction, une austérité maintenue sur les salaires -lesquels se Smicardisent-, sur les effectifs ou encore une contractualisation de l'emploi prenant le pas sur l'emploi statutaire, conséquences de loi de Transformation de 2019. La Cour des comptes dans un rapport publié le 6 juin note ainsi que 71,4% des personnels recrutés dans le versant de l'État en 2022 l'étaient comme contractuels, 21,3% seulement sous statut de fonctionnaire.

Or, cette situation d'ensemble a des conséquences, pour les personnels en poste et du point de vue de l'attractivité de la Fonction publique. Une attractivité qui dégringole. 15% des postes offerts aux concours de la fonction publique d'État non pourvus en 2022, 21% des lits de l'AP-HP fermés la même année, dont 70% par manque de personnel, 64% des collectivités territoriales indiquant au moins un champ professionnel en tension en 2023 indiquait récemment un rapport de France Stratégie. Et de noter encore que 12 candidats se présentaient pour un poste offert aux concours de la fonction publique d'État dans les années 2000 : ils ne sont plus que 4 aujourd'hui. Par ailleurs, entre 2014 et 2022, le nombre des départs, autres qu'en retraite, a nettement augmenté, de 47%.

FO en campagne pour la hausse des salaires

C'est cette situation englobant nombre de dégradations que FO-Fonction publique combat sans relâche. Et c'est dans le cadre de cette lutte qu'elle a lancé officiellement le 10 juin, à travers une conférence de presse organisée au siège parisien de la confédération, une campagne pour les salaires, exigeant des mesures immédiates. Le lancement de cette campagne qui entend souligner l'exigence sociale de vivre dignement de son travail s'est fait en présence du secrétaire général de FO, Frédéric Souillot ainsi que des membres nationaux de FO-Fonction publique : Christian Grolier pour la Fédération générale des fonctionnaires FO (FGF-FO), Didier Birig pour le versant hospitalier de la SPS-FO et Dominique Régnier pour son versant territorial.

Selon les calculs de l'Union interfédérale de la Fonction publique FO (UIAFP FO), la perte de pouvoir d'achat sur la valeur du point d'indice (base de calcul des traitements/salaires dans la Fonction publique) est de 31,5% depuis 2000. C'est l'équivalent d'un mois de salaire par an appuie FO Fonction publique, dénonçant le mouvement d'appauvrissement, des agents depuis plus de vingt ans. Pour le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, le problème qui se pose est un problème de recettes, pas de dépenses.

Cela renvoie aux hausses minimes du point entre 2000 et 2010 (comprises entre 0,3% et 0,8%, une seule fois!), à son gel entre 2011 et 2015 puis, après une hausse de 1,2%, en deux temps sur 2016-2017, au nouveau gel de 2018 à 2021 et depuis 2024. Autant dire que ce ne sont pas les 3,5% de hausse de 2022 ni le +1,5% de 2023, cela sur fond d'inflation à 5,2% en 2022 et de 4,9 en 2023, qui ont réglé le problème de perte de pouvoir d'achat. Dans l'Hospitalière, les effets de l'accord salarial du Ségur de la Santé (avec un complément de traitement indiciaire/CTI de 237 euros brut par mois), signé notamment par FO qui y voyait un premier pas, à l'été 2020, ont été peu à peu absorbés.

Outre de demander une réactivation du mécanisme de garantie du pouvoir d'achat GIPA (non financée donc annulée en 2024 et supprimée en 2025 pour une économie de 400 millions d'euros) et l'égalité salariale hommes/femmes, FO fonction publique exige une revalorisation immédiate de la valeur du point d'indice à hauteur de 10%, un plan pluriannuel afin de résorber les pertes depuis 25 ans et une indexation automatique du point sur l'inflation.

Le mouvement d'appauvrissement comprend aussi le paramètre du tassement des grilles indiciaires aboutissant à des carrières figées, rendues invisibles où progresser dans les échelons et en grade se traduit de manière dérisoire au plan salarial. Pour FO, il faut repenser les grilles et donner du sens à la carrière. Illustration de l'aplatissement aberrant des grilles : il y a 40% des fonctionnaires au 1er grade. Or du premier au 11e échelon, il y a 19 ans de carrière et… 100 euros de différence à la fin indique régulièrement Christian Grolier.

Le congrès de la FGF-FO, illustration de la détermination

Tous ces thèmes avaient été largement abordés lors du 24e congrès fédéral de la FGF-FO qui s'est tenu à Troyes dans l'Aube des 24 au 28 mars dernier. Un congrès qui avait réuni quelque 350 participants, dont les représentants des 52 syndicats nationaux et ceux des sections départementales- et qui -notamment par la soixantaine d'interventions de militants à la tribune-avait montré toute la détermination de FO à combattre l'austérité en vigueur dans la fonction publique. Dans le versant de l'État notamment, champ de compétence de la FGF-FO.

Alors que se profilent déjà les élections professionnelles dans la Fonction publique, fin 2026, FO – 1re organisation dans le versant de l'État, 2e dans l'Hospitalière et 3e dans la Territoriale – vise ainsi à étendre encore son audience. L'enjeu est d'atteindre la 1e place dans les trois versants fixait Christian Grolier, secrétaire général de l'UIAFP FO et reconduit lors du congrès de Troyes dans son mandat à la tête de la FGF-FO.

Lors de ce congrès encore, les militants de la superstructure FGF-FO (intégrant les fédérations couvrant les différents secteurs ministériels relevant du versant de l'État) ont largement montré leur détermination à travers leurs revendications construites et adoptées par le vote de trois résolutions. Deux (une sociale et une statutaire) ont été votées à l'unanimité du Congrès. La résolution générale à une très large majorité (3 absentions).

Dossiers transversaux et mêmes combats

Le congrès -recevant la visite du secrétaire général de la confédération, Frédéric Souillot- a montré aussi par les différentes déclarations de ses invités, la contestation vive des fonctionnaires de cette austérité chronique infligée à la sphère publique. Un phénomène qui se constate en France mais aussi, au-delà, en Europe.

On doit mener la bagarre, contrecarrer les attaques contre les services publics et ses agents lançait Didier Birig pour la branche santé de la fédération SPS-FO. Notant le nombre de dossiers syndicaux transversaux entre la SPS-FO et la FGF-FO, Dominique Régnier pour la branche Territoriale de la SPS-FO confirmait à la tribune : on continue de porter nos revendications. Nous avons la volonté de maintenir le service public de proximité.

Christine Besseyre pour FO-Com rappelait que aujourd'hui, Orange c'est moins de 15 000 fonctionnaires, soit 23% de l'effectif total et, La Poste, un peu plus de 44 000, ils en représentent 27,5%…. Au total, ce sont 15000 fonctionnaires en moins par rapport à 2022 soulignait de son côté Christian Grolier. Les politiques publiques et réglementaires sont défavorables à l'opérateur historique (télécom, Ndlr). Il est confronté à un double problème. L'État cumule désengagement et ponction financière et, dans ce domaine, avec, rien qu'en Europe, plus de 120 concurrents le contexte commercial est exacerbé expliquait la secrétaire générale de FO-Com. Quant à la situation sociale, après ces 30 ans de concurrence et de privatisation, elle s'est fortement dégradée soulignait-elle encore. Par le biais des départs non remplacés, Orange perd entre 4000 et 6000 emplois par an. A La Poste, c'est 10 000 emplois en moins dans la Branche Courrier s'indignait Christine Besseyre tandis qu'un rapport de la Cour des comptes venait de préconiser de réexaminer le continu et la pertinence des missions et s'interrogeait sur la nécessité de conserver en France une fréquence de distribution du courrier 6 jours sur 7… Sous-entendu, il faudrait réduire cette fréquence.

En Belgique, Bref, on est en grève!

La variable d'ajustement des budgets, c'est toujours nos droits, or il n'est pas question de laisser sacrifier nos droits sociaux. Il faut contrer ces perspectives, combattre ce qui est injuste. L'Europe ne doit pas nous oublier, lançait à la tribune Françoise Geng, présidente depuis juin 2024 de la Fédération européenne des services publics (FSESP) représentant huit millions d'adhérents en Europe. Il faut mener le combat contre la discrimination syndicale, contre la criminalisation de l'action syndicale, et par ailleurs le dialogue social, ce n'est pas un gros mot! On fait en sorte que ce dialogue produise des normes rappelait-elle.

Mais, en France comme ailleurs, le dialogue social a des ratées, souvent et lourdes de conséquences. Sur le mode humoristique d'une série TV bien connue, mais avec un contenu de propos fort sérieux, Gilbert Lieben, coordinateur du collège France Benelux à la FSESP en donnait une illustration. Bref, nous sommes en grève!

En ce début de printemps, le quotidien de la Belgique était secoué en effet par des grèves et manifestations visant à s'opposer entre autres à une réforme des retraites concoctée par le nouveau gouvernement de coalition. Fin mai, les actions de protestations se poursuivaient dans le pays. Nous étions avec un régime qui est un régime général à 60 ans. Il vient de passer à 66 ans cette année et dans deux ans il sera à 67 ans. Avec, pour pouvoir avoir une carrière complète, donc une retraite complète, 45 années de services nécessaires ou de travail pour ce qui est du privé

Remise en cause de régimes particuliers, remise en cause du statut des fonctionnaires, austérité budgétaire… Nous sommes dans des difficultés qui ressemblent un peu aux vôtres (référence au long combat en France contre la réforme des retraites de 2023, Ndlr), voire un peu pire parfois, et voire un peu moins graves de temps en temps! Mais dans tous les cas, nous somme dans la même logique et donc nous pensons qu'il faut vraiment se battre!

Mobilisations et motions de soutien

Cette volonté de combattre s'exprimera par les militants tout au long du congrès. Avec des traductions concrète en cette période, hors de ses murs : une mobilisation avait lieu par exemple le 27 mars dans l'Enseignement supérieur, contre la perte de budget (près d'un milliard d'euros en 2025), un rassemblement à Paris le 2 avril contre les suppressions de classes dans les écoles était annoncé. Le congrès a par ailleurs adopté à l'unanimité une motion de soutien aux retraités. L'Union fédérale des retraités dénonçait quant à elle notamment la perte de pouvoir d'achat des pensionnés du public : en dix ans une perte équivalente à trois mois de pension. Le congrès validera aussi à l'unanimité une autre motion, celle visant à apporter son soutien au directeur de la DDT (direction départementale des Territoires) de Haute-Corse, agressé dans le cadre de sa mission de service public. Pour la FGF-FO les agents qui se retrouvent en situation de danger doivent pouvoir faire valoir leurs droits et doivent bénéficier du soutien total et sans réserve de leur hiérarchie, que ce soit à travers la protection fonctionnelle ou encore le dépôt de plainte directement par l'administration.

Et de noter encore Dans ce cas, comme dans les événements récents subis par l'office français de la biodiversité, le gouvernement, par ses propos et son soutien à une frange radicale de certains lobbys, porte une grande part de responsabilité dans la banalisation de cette violence.

Faux-semblants ministériels et vraies attaques

Plus globalement, la colère des agents publics, fonctionnaires et contractuels, n'a vraiment rien d''étonnant, exposait en substance devant le congrès le secrétaire général de la confédération, Frédéric Souillot. Le ministre Marcangeli vous dit Je vous aime (référence aux propos du ministre lors de sa nomination en janvier 2025, Ndlr) mais c'est un genre de déclaration comme à chaque crise. Et après, vous redevenez un coût!, déplorait Frédéric Souillot, évoquant certaines des attaques contre les agents.

Ainsi la baisse de l'indemnisation maladie en 2025. L'indemnisation des arrêts ordinaires (moins de trois moins) est passée de 100% du traitement indiciaire (sans les primes, donc, qui représentent jusqu'à 40% de la rémunération) à 90%. Cette baisse est d'autant plus paradoxale que selon les statistiques (rapports de l'IGF et l'IGAS d'octobre 2024), les fonctionnaires de l'État ont moins d'arrêts que les salariés du privé. La baisse est donc bien pour des raisons budgétaires indiquait de son côté Christian Grolier. Autre attaque, l'absence de dégel du point d'indice, comme en 2024. Et le secrétaire général de FO d'alerter. Par la volonté d'un passage à une économie de guerre, ce qui venait d'être annoncé le 5 mars par le chef de l'État, on (l'exécutif, Ndlr) tentera de revenir sur la protection sociale, et sont à craindre aussi des suppressions d'emplois et des suppressions de services publics.

Les économistes, indiquait encore alors Frédéric Souillot évoquent un budget de rigueur en 2026. Les premiers à morfler, ce seront les fonctionnaires. Et après, l'exécutif s'étonnera du manque d'attractivité de la Fonction publique et que les fonctionnaires se barrent!

2026 : l'axe d'austérité ne se dément pas

Depuis ce congrès, et l'annonce par le gouvernement d'un effort de 40 milliards d'euros minimum sur les Finances publiques en 2026, et cela par une réduction massive des dépenses publiques, les annonces commencent déjà à pleuvoir sur la Fonction publique, en amont de la présentation des grands axes budgétaires en juillet et des projets de lois à l'automne. Il faut qu'on engage la baisse du nombre de fonctionnaires a ainsi annoncé le 8 juin le ministre de l'Economie, Éric Lombard. La veille, la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, prônait une réorganisation massive de l'État, confirmait la fusion ou suppression d'un tiers des opérateurs de l'État et ajoutait : nous allons demander, ministère par ministère, à revoir les besoins de recrutement d'une part et les revalorisations salariales d'autre part.

Le ministre de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, indiquait de son côté l'absence de mesures générales (une hausse du point d'indice) en 2025, propos confirmés lors de l'audience de FO Fonction publique avec le ministre le 19 mai. Il a annoncé qu'il compte demander pour 2026 au Premier ministre, une enveloppe budgétaire pluriannuelle pour améliorer la grille indiciaire des fonctionnaires, rapportait l'UIAFP. Il semble que cela serait réduit, au mieux, à une action sur la grille de la catégorie C (la plus basse) …. De son côté, fin avril, le Premier ministre avait appelé à limiter les dépenses pour des mesures catégorielles…

Dès le début de l'année 2025, le ministre de la Fonction publique avait annoncé la couleur : un plan 2050, faire mieux avec moins, mais pas de hausse de salaires dans l'immédiat, fustigeait Christian Grolier lors du congrès.

PSC : la mauvaise surprise Alan

Le congrès a été aussi bien sûr l'occasion d'évoquer de nombreux autres sujets de préoccupation : ainsi la Protection sociale complémentaire (PSC) dont l'entrée en action en 2026 de la réforme sur la santé et la prévoyance découlant de la loi de Transformation de 2019). La FGF-FO avait signé l'accord sur le volet santé, mais pas celui sur la prévoyance. Consacrant une participation, modique, de l'employeur, cette réforme a induit depuis deux ans d'âpres négociations dans les secteurs ministériels, les agents et leurs représentants, dont FO, étant soucieux de maintenir et d'améliorer la qualité des prestations (paniers de soins, tarifs, options, …) de ces futurs contrats obligatoires. La réforme de la PSC signifie en effet des changements d'opérateurs (selon des appels d'offres), un chamboulement de l'architecture actuelle… et déjà beaucoup d'inquiétude face à certaines décisions ministérielles. Ainsi, le secteur de l'Ecologie et des Finances voient arriver la start-up Alan comme opérateur de santé. Une start-up, chantre de la gestion numérique et aux valeurs visant le profit, autant dire bien loin de la notion de solidarité ou de l'esprit mutualiste. La Fédération FO de l'équipements, environnement, transports et services, la Feets FO, a dénoncé l'accord ministériel et attend la suite, l'affaire étant devant le Conseil d'État. Aux Finances, FO qui vient d'apprendre la mauvaise nouvelle a demandé une nouvelle réunion de la commission paritaire de pilotage et de suivi de la PSC.

Retraites : l'abrogation de la réforme n'est pas négociable

Le dossier des Retraites s'est aussi invité bien sûr à ce congrès, se situant en une période où le gouvernement lançait son conclave, dont FO -exigeant toujours l'abrogation de la réforme de 2023- est sortie est le 27 février. En cette fin mars, le gouvernement prévoyait des réunions propres à la Fonction publique. Toutes les fédérations constituant FO-Fonction publique ont décliné les invitations à participer à des commissions spécifiques, prévues en avril et mai. Dès janvier, la FGF FO avait rappelé que l'abrogation (de la réforme de 2023, Ndlr) n'est pas négociable. L'idée même de revenir à un système de régime universel par points est également inacceptable.