Télévision : les dérives du CICE et du CIR

Rédigé le 19/10/2025
par Sandra Déraillot, L'inFO militante

L'émission Complément d'enquête est partie à la recherche des milliards perdus des crédits d'impôts accordés aux entreprises. Investissements délocalisés pour Michelin ou salariés maquillés en chercheurs pour Capgemini, les milliards ne sont pas perdus pour tout le monde.

Le magazine de France Télévisions Complément d'enquête s'est penché sur les aides publiques aux entreprises – 211 milliards d'euros en 2023, selon une commission d'enquête du Sénat. Ce qui représente près de cinq fois le budget de l'Assurance chômage, souligne Tristan Waleckx en introduction au reportage. Les journalistes se sont plus spécifiquement intéressés à l'usage du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE, remplacé en 2019 par une baisse pérenne des cotisations patronales), ainsi qu'au crédit d'impôt pour la recherche (CIR). Et pour illustrer leur propos, ils se sont appuyés sur les exemples de Michelin et Capgemini.

Le premier, fabricant de pneumatiques, ferme successivement des usines françaises. Pourtant, l'entreprise réalise des bénéfices : 1,9 milliard d'euros en 2024 (dont plus de 1,4 milliard reversé aux actionnaires). L'entreprise a bénéficié de 135 millions d'euros au titre de l'avantage fiscal CICE (calculé sur la masse salariale) entre 2013 et 2018. Michelin en a profité pour moderniser les locaux de son usine à La Roche-sur-Yon, recruter une centaine de salariés et même acheter de nouvelles machines… Avant de fermer le site en 2020. Alors que les sommes perçues au titre de cette aide publique ont participé à l'achat de nouveaux outils de production, Michelin a ensuite transféré ces outils dans les usines du groupe en Pologne, en Espagne et en Italie. Auditionné par le Sénat, Florent Menegaux, président de Michelin, a même reconnu que l'investissement pourrait être remboursé à l'administration fiscale... À condition qu'on le lui réclame.

Rendre des activités CIRables

La seconde entreprise, Capgemini, illustre quant à elle les dérives autour du CIR. Le manque à gagner pour l'État dû à ce dispositif fiscal ne cesse d'augmenter et atteint 7,8 milliards d'euros en 2024. Alors que la niche fiscale est censée permettre notamment un renforcement de la compétitivité des petites ou moyennes entreprises, celles-ci ne sont bénéficiaires que de 33% du montant annuel total que représente le crédit d'impôt. Les multinationales sont en revanche les grandes gagnantes. Capgemini serait l'un des plus gros bénéficiaires du dispositif, grâce à une manipulation qui conduirait à recaser ses consultants en intermission dans des équipes de recherche alors qu'ils n'ont ni les moyens techniques, ni les compétences pour assumer de telles fonctions. Un salarié explique, sous couvert d'anonymat : On fait de la recherche pour tenir les objectifs du CIR.