Santé et sécurité : la France joue les bons élèves mais ne s'engage pas

Rédigé le 21/11/2025
par Fanny Darcillon, L'inFO militante

L'Assemblée nationale a ouvert fin octobre la voie à une ratification de la convention 155 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la santé et la sécurité des travailleurs. Un texte adopté à Genève… en 1981. Ce long délai traduit une réticence à s'engager sur ces questions, dans un pays qui détient la première place du triste classement européen des morts au travail et qui a pourtant décidé de supprimer les CHSCT il y a cinq ans.

Adoptée à Genève il y a 44 ans, en juin 1981, la convention 155 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la sécurité et la santé des travailleurs établit des normes en matière de prévention des accidents du travail et maladies professionnelles. Elle met aussi l'accent sur la participation des travailleurs et de leurs représentants dans la définition et la mise en œuvre des directives. Ce texte a été érigé au rang de convention fondamentale en 2022. Le 22 octobre, le Parlement français a adopté un projet de loi autorisant la ratification de cette convention. Enfin.

Cette loi était dans les tuyaux depuis plus d'un an, Il était prévu qu'elle soit ratifiée en juin 2024 après l'adoption du projet par à l'Assemblée, mais la dissolution est arrivée.

La convention 155 prévoit notamment que les représentants des salariés recevront une information suffisante concernant les mesures prises par l'employeur pour garantir la sécurité et la santé, recevront une formation appropriée dans le domaine de la sécurité et de l'hygiène du travail, et seront habilités […] à examiner tous les aspects de la sécurité et de la santé liés à leur travail et seront consultés à leur sujet par l'employeur.

La fin des CHSCT, une décision française délétère

Avec cette ratification, la France fait preuve d'exemplarité au plan multilatéral, car c'est désormais l'ensemble des conventions fondamentales de l'OIT qui sont incorporées dans notre corpus juridique, se félicitent les ministères du Travail et des Affaires étrangères sur leurs sites respectifs.

Mais alors pourquoi un tel délai avant cette ratification? La France a eu différentes raisons de ne pas forcément souhaiter la ratifier, . Surtout ces dernières années, compte-tenu de la destruction complète des CHSCT dans les entreprises. Ces entités, qui faisaient notamment fonction de contre-pouvoir face aux évolutions managériales dangereuses pour la santé et le bien-être des travailleurs, ont été dissoutes dans les Comités sociaux et économiques (CSE) à partir de 2020, perdant du même coup une grande part de leurs prérogatives. Les CHSCT ont été supprimé par les ordonnances, dites Macron, de septembre 2017.

L'État français ne souhaitait probablement pas voir cette discussion remise sur le tapis à travers la ratification de la convention 155. Sauf que la pression du temps s'est fait sentir ces dernières années, à l'approche du mois de juin 2025 où la France a pris la tête du Conseil d'administration de l'OIT. Il était donc malvenu qu'elle n'ait pas ratifié toutes les conventions fondamentales, pointe Branislav Rugani.

Une ratification à droit constant

Pour le secrétaire confédéral, l'État joue les bons élèves en approuvant le texte mais ne s'engage guère. La convention est passée à droit constant, c'est-à-dire qu'on ne négocie rien avec les confédérations syndicales françaises et on ne change pas un mot dans le Code du travail. Or, la France est le pays européen où il y a le plus de morts au travail en valeur absolue, avec plus de 8 000 morts recensés depuis 2009. En proportion de la population (4,38 morts pour 100 000 salariés en 2022), elle reste le deuxième État concerné derrière Malte.

La ratification effective à venir offre cependant une corde supplémentaire à l'arc de FO dans la lutte pour les droits des salariés. Maintenant que c'est fait, cette convention nous permettra tout de même de pouvoir nous exprimer pleinement pour revendiquer la remise en place des CHSCT ou d'autres structures indépendantes dans les entreprises, qui soient dirigées par des syndicats et permettent de se préoccuper de la santé et de la sécurité des travailleurs, détaille Branislav Rugani.

Ironie du calendrier, la promulgation de la loi en France est survenue, à quelques jours près, au même moment que la ratification de la convention 155 par le Bangladesh. Douze ans après la tragédie du Rana Plaza – cet immeuble de confection textile qui s'était effondré en 2013 en banlieue de Dacca, coûtant la vie à au moins 1 138 salariés –, les syndicats locaux ont obtenu gain de cause pour rendre les employeurs et les États plus responsables de la sécurité des travailleurs.