Le 9 décembre 1905, la loi de séparation des Églises et de l'État est promulguée. Une loi fondatrice de notre République et qui ne fait pas seulement partie du patrimoine démocratique français : elle est, depuis toujours, au cœur de l'identité et du combat de Force Ouvrière.
La laïcité protège les travailleurs, elle les émancipe et elle garantit l'égalité de toutes et tous.
La France a été le premier État moderne à inscrire la séparation de l'Église et de l'État dans le marbre de sa Constitution. La laïcité à la française reste encore de nos jours un exemple quasi unique dans le monde. Cette loi, voulue par le «petit père Combes» et votée à l'initiative d'Aristide Briand, prend ses racines dans les tréfonds de l'histoire de France : les guerres de religion, les Lumières contre l'obscurantisme, la Révolution française de 1789, l'affaire Dreyfus, la montée des idées républicaines et sociales.
De la Saint-Barthélemy à la révocation de l'édit de Nantes, la France s'est déchirée pendant plus d'un siècle. La Révolution française a mis fin aux privilèges de la noblesse, mais aussi à ceux d'un clergé qui s'opposait à l'émancipation du peuple, en particulier dans le domaine de l'éducation. La première séparation date du 18 septembre 1794, quand le budget de l'Église constitutionnelle est supprimé. Mais en 1802, Napoléon signe le concordat avec le pape et rétablit le catholicisme comme religion d'État.
L'Église de France, en particulier sa hiérarchie, prend ouvertement fait et cause pour les régimes antirépublicains (royauté, Empire), puis contre toutes les nouvelles idées socialistes.
La bourgeoisie, qui a eu très peur des révolutions de 1848, en particulier celle de juin, impose, dès 1850, la loi Falloux, qui proclame la liberté d'enseignement au profit de l'Église. Mais à la fin du XIXe siècle, les républicains, radicaux et radicaux-socialistes accèdent au pouvoir. L'affaire Dreyfus (1894-1906) va rouvrir les cicatrices entre les milieux réactionnaires-catholiques et les adeptes des avancées de la Révolution française, désormais largement influencés par le socialisme.
C'est Émile Combes qui sera un des symboles de la bataille pour la laïcité. Né dans une famille modeste du Tarn, médecin installé en Charente, radical-socialiste, franc-maçon, il est le président du groupe de la «Gauche démocratique» au Sénat et ministre de l'instruction publique et des cultes en 1895. En tant que président du Conseil (Premier ministre) de juin 1902 à janvier 1905, il va lancer une vaste campagne anticléricale : fermeture de 3 000 écoles congrégationnistes en juillet 1902, rupture des relations diplomatiques avec le Vatican en mai 1904 et interdiction totale d'enseigner aux congrégations en juillet 1904.
Une loi qui vient de loin
La loi qui a donné un cadre juridique stable à la laïcité est l'aboutissement d'une longue série de lois sur les libertés publiques, votées sous la IIIe République. Une sorte d'apogée institutionnel qui a permis, entre autres, un essor social dans les décennies qui ont suivi. Le mouvement ouvrier saura profiter de ces nouveaux espaces de liberté pour se lancer à l'assaut des conquêtes qui modèlent aujourd'hui notre vie quotidienne.
Contrairement à ce que disent et écrivent certains, encore aujourd'hui, la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État n'est pas une loi anticatholique. Si elle a pu le paraître, c'est en raison de la réaction du clergé, qui a mis longtemps à accepter la séparation, s'il l'a jamais réellement acceptée. Il s'agit d'une loi de compromis, après vingt ans de bagarre entre la République et la plus puissante des Églises en France, l'Église catholique. La liberté de culte est officialisée et l'on sépare simplement ce qui appartient à l'ordre du religieux de ce qui est de l'ordre du politique. Bref, chacun chez soi sans sectarisme.
La Révolution de 1789 ayant supprimé les privilèges de la noblesse et du clergé, la Convention décide que la République ne paiera plus désormais les frais et les salaires des cultes. Mais six mois plus tard, la roue tourne. La Convention thermidorienne rétablit, le 21 février 1795, les privilèges du clergé non réfractaire (qui n'est pas lié au mouvement chouan ni aux nobles immigrés). Quant à Napoléon, pour étouffer les souvenirs révolutionnaires et républicains, il se rapproche du Vatican et signe en septembre 1801, avec le pape Pie VII, le Concordat. Le catholicisme ne redevient pas religion d'État (pour ne pas froisser les protestants), mais les clergés sont payés par la République. Aujourd'hui, ce Concordat s'applique toujours dans les deux départements alsaciens et dans celui de la Moselle. En effet, lorsque l'Alsace-Lorraine est redevenue française en 1918, les autorités n'ont pas voulu froisser ce qu'elles ont présenté comme les sentiments religieux de populations sous domination germanique depuis 1870. Cet anachronisme fait qu'aujourd'hui l'enseignement religieux est pratiqué dans les écoles publiques de ces trois départements.
En 1850, la loi Falloux fait entrer en masse les congrégations religieuses dans l'enseignement. Il faudra attendre la Commune de Paris (1870-1871) pour assister à la deuxième séparation de l'Église et de l'État. Le décret n° 59 de la Commune de Paris, en date du 3 avril 1871, annonce :
Article 1 : L'Église est séparée de l'État. Article 2 : Le budget des cultes est supprimé. Article 3 : Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles et immeubles, sont déclarés propriétés nationales...
Avec l'écrasement de la Commune, l'Église, qui s'était ralliée aux Versaillais, reprend toute sa place.
Le contexte politique
Depuis 1869, les radicaux sont conscients qu'il faut faire cesser la mainmise de l'Église sur la jeunesse et qu'il faut conforter l'esprit public pour affermir pleinement la République. En 1895-1896, le ministre Combes va donc libérer l'école publique des enseignants religieux. Ensuite, au Sénat, il prépare la future loi de 1901 sur les associations.
Cette loi, toujours en vigueur, est une des pierres angulaires de la République. Elle comporte deux parties : la première sur les associations proprement dites et la seconde sur les congrégations. C'est pourtant cette deuxième partie, aujourd'hui oubliée, qui va faire débat.
L'article 1 de la loi de 1901 stipule : La convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans le but de partager des bénéfices.
À noter qu'il ne s'agit pas de bénéfices lucratifs. Ainsi, deux personnes peuvent fonder une association. Quant aux congrégations, elles ont trois mois pour se transformer en associations. Mais ces dernières refusent très souvent. Les élections de 1902 se font en grande partie sur la loi de 1901 et son application aux congrégations.
Les conservateurs et le clergé se lancent dans une attaque très vive contre la loi. Les radicaux se prononcent au contraire pour son application stricte. L'axe de la majorité républicaine se déplace sensiblement vers la gauche. Au lendemain des élections, Waldeck-Rousseau, malade et conscient de n'être plus l'homme de la nouvelle majorité, démissionne. Émile Combes lui succède, devenant président du Conseil, mais aussi ministre de l'Intérieur et des Cultes. C'est ainsi qu'en juin 1902, il fait fermer 127 établissements religieux qui n'avaient pas déposé une demande d'autorisation d'association loi 1901. En 1904, 2 500 écoles religieuses sont fermées. Même si les chiffres ne sont pas tous précis, on estime qu'après 1901, 500 congrégations religieuses et 3 000 écoles catholiques ont fermé boutique. Les préfets, par arrêtés, vont laïciser à tour de bras les écoles.
De la laïcité
Cette loi promulguée le 9 décembre 1905 [1] n'est pas une loi d'exclusion et de mise au ban des catholiques. Sa première phrase est : La République assure la liberté de conscience.» C'est aussi cette introduction qui lui vaudra le soutien total des protestants et des juifs. Par ailleurs, «la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte
. La loi de séparation contient donc des dispositions libérales : respect de la liberté de conscience, du libre exercice des cultes et de l'organisation interne des religions. Désormais, être adepte d'une religion ou être athée relève d'un choix individuel. Il ne doit pas non plus être demandé de service public aux différents cultes et les services publics de l'État ne doivent porter aucune marque de caractère religieux. Le Vatican menace d'excommunier les députés et sénateurs qui ont voté la séparation. La plupart s'en moquent! Ce n'est qu'en 1923 que la hiérarchie catholique française va accepter la laïcité ou du moins devoir faire avec.
En 1946, la Constitution de la IVe République qualifie la France de «République laïque», et indique que l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l'État
.
La loi de 1905 a mis fin à des siècles de tensions. C'est un texte de pacification. Elle n'est pas un instrument de division, mais un texte qui vise à garantir l'égalité de tous devant la loi. Elle protège la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire. Le syndicalisme libre et indépendant ne peut s'épanouir que dans un cadre laïque, car lorsque l'État et les Églises se mêlent de la vie sociale ou du travail, ce sont toujours les travailleurs qui en paient le prix
.
Pour FO, la mission est claire : défendre sans relâche la loi de 1905, défendre la liberté de conscience, défendre la neutralité de l'État, défendre l'égalité de toutes et tous. C'est affirmer que la République sociale à laquelle nous croyons, celle des droits, de l'égalité, de l'émancipation, repose sur ce principe intangible : la laïcité.
Pour Force Ouvrière, la laïcité est – et doit rester – l'outil républicain permettant de tenir ensemble une société diverse, plurielle, riche de ses différences mais unie par un cadre commun.
Meeting laïque du 6 décembre : intervention de Patricia Drevon
Nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer l'anniversaire d'une loi fondatrice de notre République : la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État. Une loi qui ne fait pas seulement partie du patrimoine démocratique français : elle est, depuis toujours, au cœur de l'identité et du combat de Force Ouvrière.
La laïcité n'est pas une abstraction juridique. Elle est née d'un combat : celui des républicains, des libres-penseurs, mais aussi – et surtout – du mouvement ouvrier, qui a toujours vu dans la séparation des Églises et de l'État la condition indispensable pour que les travailleurs puissent se regrouper, s'organiser et défendre leurs droits.
Force Ouvrière, issue de la tradition syndicale indépendante et républicaine, l'a toujours rappelé : la laïcité protège les travailleurs, elle les émancipe et elle garantit l'égalité de toutes et tous. Dès sa création, FO s'est inscrite dans cette filiation laïque.
Nous exprimons de manière constante nos positions : la laïcité est un principe d'émancipation, au même titre que le syndicalisme. Elle libère les travailleurs de toutes les pressions – politiques, économiques, mais aussi religieuses
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La loi de 1905 est un rempart contre toutes les formes de domination, elle protège la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire. Le syndicalisme libre et indépendant ne peut s'épanouir que dans un cadre laïque, car lorsque l'État et les Églises se mêlent de la vie sociale ou du travail, ce sont toujours les travailleurs qui en paient le prix
.
Cette vigilance, FO l'a toujours portée
La loi de 1905 repose sur deux principes simples :
1. La liberté de conscience, pour chacune et chacun.
2. La séparation stricte des Églises et de l'État, afin que la puissance publique reste neutre, et que jamais une religion ne puisse imposer sa loi à la République ou à ses citoyens.
Force Ouvrière a toujours défendu cette loi dans son intégralité, sans aménagements, sans adjectifs, sans dérogations.
Quand certains voudraient y ajouter des exceptions, l'«adapter» ou l'affaiblir, FO a toujours répondu : la laïcité ne se découpe pas et ne se négocie pas. La laïcité permet de lutter contre les divisions, contre les tentatives d'instrumentalisation politique ou communautaire du monde du travail, contre tout ce qui attaque l'unité des salariés.
Laïcité dans le monde du travail
Dans le monde du travail, ce principe garantit :
· la neutralité de l'employeur public;
· l'égalité de traitement entre salariés;
· l'absence de pression religieuse, morale ou communautaire;
· et la possibilité pour chacune et chacun de vivre sa vie spirituelle, ou non, dans la sphère privée.
Le rôle du syndicat n'est pas d'arbitrer des identités religieuses, mais de défendre les droits collectifs, les libertés syndicales et les conditions de travail.
La laïcité est donc un outil, un cadre, une protection. Elle permet au syndicat de rester indépendant, et aux travailleurs d'agir ensemble, quelles que soient leurs convictions personnelles.
Pour Force Ouvrière, défendre la laïcité, c'est défendre la République sociale.
La neutralité de l'État garantit l'universalité des droits – ce qui est le cœur de notre syndicalisme.
Quand nous défendons :
· la Sécurité sociale;
· les retraites par répartition;
· les services publics;
· l'école de la République;
Nous défendons aussi une certaine idée de la laïcité : celle d'une république qui traite ses citoyens de manière égale, qui protège les plus faibles, qui refuse les privilèges, qui ne distingue personne selon l'origine, la croyance ou la condition.
Un engagement qui demeure
Aujourd'hui encore, Force Ouvrière reste fidèle à cette tradition. Nous affirmons que la République laïque est un bien commun précieux. Et nous savons que les atteintes à la laïcité – qu'elles viennent de pressions religieuses, d'instrumentalisations politiques ou de tentations communautaristes – menacent toujours en premier lieu les plus vulnérables, les salariés, les agents publics, les travailleurs.
Cette loi, qui a mis fin à des siècles de tensions, est un texte de pacification. Elle n'est pas un instrument de division, mais un texte qui vise à garantir l'égalité de tous devant la loi.
Pour Force Ouvrière, la laïcité est – et doit rester – l'outil républicain permettant de tenir ensemble une société diverse, plurielle, riche de ses différences mais unie par un cadre commun.
Notre mission est claire : défendre sans relâche la loi de 1905, défendre la liberté de conscience, défendre la neutralité de l'État, défendre l'égalité de toutes et tous.
Camarades, célébrer l'anniversaire de la loi de 1905, ce n'est pas regarder le passé avec nostalgie.
C'est affirmer que la République sociale à laquelle nous croyons, celle des droits, de l'égalité, de l'émancipation, repose sur ce principe intangible : la laïcité. La laïcité n'est pas seulement un pilier de la République, elle est une conquête populaire et un combat permanent.
À nous, Force Ouvrière, de continuer à la faire vivre.


